lundi 31 mars 2008

Poupée gonflable

J'ai seize ans, lors des week-ends, je dors chez Grégory. Pour toute nourriture, nous nous contentons d’ingérer du thé infusé à l'herbe. Ses amis plus âgés lui rendent visite. Ils regardent des films pornos en fumant. Je comate à côté. Le matin, Grégory regarde avec dégoût les coulures de l'eye-liner autour de mes cils.

Je ne dis rien. Nos échanges verbaux sont très rares.

Nous sommes allongés sur le lit, il me dévisage : « plus tard, quand tu seras ma femme, je te voilerai ».

Il me demande : « est-ce que tu sais ce que ça veut dire “Te quiero” en espagnol?

- Je t'aime.

- Non, je te veux. »

J'acquiesce et le suis partout sans rien dire.

Nous marchons dans la rue, il s'arrête près d'une fenêtre. Il me regarde : «Donne moi une baffe.

- Non.

- Donne moi une baffe ».

Je lui envoie une légère petite claque symbolique. Il me retourne une gifle si forte que je me cogne la tête contre le volet. Nous déambulons à nouveau, sans dire un mot. Près de la gare, il me raconte : « l'autre jour, très tard, j'ai vu ici deux garçons qui faisaient des choses pas très jolies à une fille ». Devant cette scène, il n'a rien dit. Il a préféré partir pour ne pas avoir d'ennuis. Je me rappelle alors : dans ce coin, ma sœur a été agressée. Elle a échappé de justesse à un viol.


Nous participons à une fête organisée par l’un de ses copains plus âgés, Tonio Pessoa, au château de Martigné-Briand. Il y a Victor Pinto, un garçon qui a trente ans. Il fait de la sculpture et il fascine Grégory. Moi, il m'effraye. La cave permet d'entrer dans des troglodytes. Il y a notamment une petite salle difficile d'accès. Pour s'y rendre, il faut s'engager dans un passage rocheux, faisant de nombreuses circonvolutions, tout en se rétrécissant de plus en plus. Le jeu consiste à y aller pour se retrouver dans cette salle non éclairée. Tous les convives s'y introduisent. Quand ils en sortent, il disent : « Waouhou, c'est vraiment génial ».

Je refuse de les suivre. J'ai peur. Grégory y va avec Victor. Il insiste pour que je les accompagne. Mais je suis paralysée à l'idée de me retrouver là-dedans avec Victor. Quand ils sont à l'intérieur, je les entend crier. Ils réapparaissent. Grégory rit. Ils ont tous les deux du sang sur les mains, comme s'ils venaient de faire un serment en se tailladant les paumes.


A chaque fois que je m'accouple avec Grégory, j'ai une cystite pendant les trois jours suivants. Pour calmer ça, j'ingère du Rufol. Je me décide à aller voir un médecin afin de prendre la pilule. Cela tombe un jour où j'ai une infection urinaire. Je lui explique que je prends ce médicament, comme ça, quand mon clitoris me brûle. Le médecin se met en colère.


Grégory veut m'emmener à Amsterdam. Je me doute que c’est pour rapporter du shit à l'aide de mon vagin. Il me téléphone. Je vais chez lui. Comme d'habitude, nous passons notre temps à absorber des drogues. Je comate à la fin de la soirée. Grégory et sa bande mâtent un film porno.


Nous retrouvons ses copains portugais plus âgés au café. Je ne dis rien. Mais ce soir, Joé, un de mes copains, est là, dans un coin, à boire seul. Grégory délire. Il est déchiré et se lève pour danser en saccades. Il ne s'occupe pas de moi. Joé m'attire dans un coin pour me dire : « Il faut que t'arrêtes ça, Solène.

- Que j'arrête quoi ?

- Tout. Mais regarde, regarde-le… »

Il le désigne comme une évidence. L'évidence qu'il perd la raison.

« Écoute Solène, je le sais, tout le monde le sait qu'ils te font tourner.»

mardi 18 mars 2008

Il pique son prénom à un peintre et chante comme une casserole, mais ne s'arrête pas là

(Ce post est hors sujet, il s'adresse à tous les fans de cette espèce de sous-chanteur sirupeux de Raphaël, qui ne se satisfaisant pas de -je ne sais par quels moyens- faire produire sa dernière crotte par Toni Visconti, se débrouille pour ostensiblement piquer le nom de Notre Blog. Sachez, ô vous qui allez déferler par les grâces de Google par milliers, que nous n'avons rien à voir avec celui à qui nous devrions, c'est la moindre des choses, suspendre par la peau de ses fesses rebondies afin qu'il constatât qu'on ne peut à ce point manquer d'imagination sans souffrir quelques menus travers.)

mercredi 5 mars 2008

La masse

Parce qu’en plus (parce qu’en plus !), je voudrais être sexy, enfin sexy, pas trop moche. Je me cherche des noises. Mais de tout temps, et en dépit de mon bon sens ou à cause de lui, je n’ai jamais cru à ces discours, voyez-vous, aimez-vous telle que vous êtes, tu parles, ta vie sexuelle se réduit comme peau de chagrin si t’es laide, si t’es grosse, si t’es difforme ou naine, ta vie sexuelle, ok, et ta vie tout court, vous les connaissez les stats, non ? Vous les connaissez sans doute vous savez à quel point il est difficile d’obtenir un emploi pour une fille obèse aussi compétente soit-elle, disons qu’on ne prend pas le temps de les évaluer tes compétences si t’es obèse, t’es bonne pour filer sur 3615JAIMELESGROSCULS, de ton doctorat en biologie moléculaire tu peux te faire un poster si tu veux, que tu pourras accrocher dans la petite cabine du porno call center, si tu veux, puis, de toute façon, il est fort à parier que si t’as un doctorat en biologie moléculaire tu ne sois pas très très obèse, autrefois, le poids frappait de manière uniforme et juste toutes les classes sociales, aujourd’hui, aujourd’hui, les chances d’être grosse ET pauvre se sont multipliées, moi, qui voudrais être sexy, et qui fais donc du sport, je les vois les filles à la gym, j’ai un petit peu observé la question par quartiers, dans le mien, plutôt plus populaire que la banlieue chic versaillaise, des filles au gros cul il y en a beaucoup plus que dans le sixième, quels complexes pour une fille dans un quartier de riches, et que si les kilos, et que si les fringues, tu n’existes même pas dans un quartier de riches si tu n’es pas mince, blonde et mesure 1, 75 m. Alors le temps que vraiment tout le monde y croit à ce discours sur la beauté intérieure je serai morte et je préfère, de mon vivant, me faciliter la vie, quoique, je ne m’en sors pas, dans mon quartier populaire, c’est le contraire, si t’es pas trop moche et que tu avances à visage découvert, les mecs ne se privent pas de te gâcher la journée dès neuf heures du matin, et que si t’es bonne, et que s’ils te sauteraient bien dans la ruelle, ça me rentre par une oreille, me ressort par l’autre le plus souvent, sauf quand y en a un qui se met à me suivre, là, j’avoue, je ne suis pas fière, dans ma boîte, au contraire, au café les mecs murmurent lorsque j’ai le dos tourné, elle est bonne, je me la ferais bien ; si je ne fais pas gaffe, c’est le contraire, elle aurait pas pris trois kilos la mère Jill?, bref, j’essaye de ne pas être trop moche mais en réalité, ce que je préférerais, c’est qu’ils arrêtent un jour de faire les coqs, qu’ils la bouclent ou alors qu’ils regardent plutôt en direction de leur cul.