jeudi 25 octobre 2007

Recopié pour vous

- Est-ce qu'il sera nommé à vie ou pour une période limitée ? demanda Morris.
- Je crois qu'elle sera nommée pour une période de trois ans, et détachée pendant ce temps de sa propre université.
- Elle ? répéta Morris, inquiet. Julia Kristeva ou Christine Brooke-Rose auraient-elles déjà été pressenties pour le poste ? Pourquoi dites-vous "elle" ?
- Pourquoi dites-vous "il" ?
Morris se détendit et leva les bras en un geste de capitulation.
- Touché ! Pour un type comme moi, qui a été marié à une romancière féministe auteur de best-sellers, ce n'est pas malin de tomber dans ce genre de piège.

David Lodge,
Un tout petit monde, Paris, Rivage Poche, 1992, p. 193.

mercredi 24 octobre 2007

Médée

Il vous reste quatre jours pour aller voir Médée* au théâtre de la Commune à Aubervilliers, et à moi il me reste aussi quatre jours pour vous en parler. Pour vous dire quoi ? Qu'Ariane Ascaride assure et que c'est un pur plaisir de la voir s'agiter dans sa cuisine mobalpa à assaisonner son gigot au détergent WC et au liquide vaisselle tout en vous expliquant comment Médée, celle d'Euripide, s'est rebellée contre ce salaud de Jason qui l'abandonnait pour une fille plus jeune ? Que le texte de Dario Fo et de Franca Rame est très chouette, fin et incisif, parsemé de pantoufles mises au congélateur et de chemises brûlées au fer à repasser ? Que ça fait du bien de voir que si si, les femmes savent se venger, que ce soit parce qu'elle s'approprient des territoires masculins comme chez Tarentino ou parce qu'elles détournent leurs fonctions traditionnelles de soin de la maison ? Je ne sais, je ne sais. Mais ce que je peux vous dire pour sûr, c'est : je l'ai vu, c'était bien, c'était drôle, c'était du théâtre.

*Et en première partie, vous aurez droit à La maman bohème, autre pièce des mêmes auteurs.

mercredi 10 octobre 2007

Comprendre une chasse d'eau

Chères lectrices, chers lecteurs,
Ma chasse d’eau fuit, et pas qu’un peu. Ma chasse d’eau fuit et je suis là comme une conne, devant ma chasse d’eau qui fuit. J’ai sorti ma boîte à outils. Avez-vous eu déjà eu affaire à une boîte à outils ? C’est un contenant diabolique, qui ne ferme jamais comme il faut et qui s’ouvre toujours lorsqu’on le soulève étalant clous, vis et marteau, clés, chevilles, niveau, tournevis, agrafes et autres objets pointus sur lesquels on ne manque pas de marcher, sur une aire de 10 m2. J’ai farfouillé dans ma boîte à outils en me pinçant les doigts, j’ai trouvé une clef à molette et j’ai menacé ma chasse d’eau avec. J’ai tourné des écrous. La fuite est devenue fontaine. A ce stade, trempée, j’ai pensé très fort à appeler un ami. « Je lui fais à bouffer pendant qu’il me répare ça vite fait ». Je me suis ravisée. « Non, je suis une femme libre et indépendante, le bricolage n’aura pas ma peau. » J’ai coupé l’eau. J’ai tourné encore plus les écrous. « Et un plombier ? C’est fait pour un plombier. » Mais je refuse de payer un gars 200 euros pour faire un truc qui ne doit pas être bien compliqué. Je m’acharne sur ma chasse d’eau. J’atteints un joint tout pourri qu’il faut remplacer. J’ai vu une boîte à joints quelques part ces derniers temps. Dans la cave ? Dans un tiroir ? Où ? Il est 22 heures, bien sûr, Mr. Bricolage est fermé et je ne vais sûrement pas descendre à la cave. Ça attendra demain, ça attendra trois jours. Vais-je résister à mon envie d’appeler un mecton pour qu’il vole à mon secours ?